Si la France peut aisément se satisfaire de son historique bilan olympique de 42 médailles, la Grande-Bretagne regarde cette performance d’un œil un peu goguenard. Si souvent trusté par les étendards américains, chinois et russes, le podium du classement des nations semble devoir s’habituer à un nouveau locataire. 3éme de leurs JO en 2012, les britanniques ont décidé de confirmer et même d’améliorer leur bilan en achevant l’édition brésilienne à la seconde place. Pendant ce temps et malgré ce record, les athlètes français semblent incapables de suivre cette dynamique. Comment appréhender le fossé qui s’établit entre la France et la Grande-Bretagne aux Jeux Olympiques? Décryptage.
L'HISTOIRE: LE LIEVRE BRITANNIQUE ET LA TORTUE FRANÇAISE
Les trajectoires de la France et de la Grande-Bretagne témoignent de deux dynamiques différentes. Les tricolores semblaient pourtant avoir une certaine avance sur leurs voisins britanniques. Toujours classée entre la 5ème et la 10ème position depuis les Olympiades de d’Atlanta en 1996, la France possède un bilan de médaille qui varie invariablement entre 33 (2004) et 42 médailles (2016). Le mot d’ordre est donc plus au maintien qu’au progrès.
A l’inverse, la Grande-Bretagne a pris de l’élan. L’échec cuisant d’Atlanta (36ème avec 15 médailles) s’est soldé par une vaste remise en question et une restructuration visiblement efficace. 10ème lors des deux Olympiades suivantes, la délégation anglo-saxone connait les honneurs du top 5 à Athènes et Pékin, avant d’atteindre le podium de l’édition qu’elle organise en 2012…Les progrès sont tels qu’entre 2004 et 2012, la Grande-Bretagne a doublé son total de médailles : 65 contre 30.
LONDRES 2012 COMME ÉLÉMENT DÉCLENCHEUR
Et si l’attribution des Jeux à Londres par le CIO en 2005 à Singapour, avait éveillé le potentiel britannique en matière de performances sportives ?
L’accueil des JO est une opportunité majeure pour un pays de valoriser son image. Il est donc nécessaire, dans cette optique, que les athlètes nationaux prouvent la force et la vigueur du système dont ils sont issus. Depuis l’édition coréenne de 1988, chaque pays hôte, exception faîte de la Grèce, a été classé dans le top 10 des JO (Corée du Sud 4ème en 1988, Espagne 6ème en 1992) améliorant considérablement leur bilan précédent (Corée du Sud 10ème en 1984 , Espagne 25ème en 1988).
Dés lors, il semble logique que, à la vue des investissements consentis en amont des JO, les performances des athlètes des pays hôtes s’améliorent à long terme. La plupart des pays organisateurs conservent leur rang ou performent légèrement moins (Australie 4ème en 2004, Espagne 13ème en 1996, Corée du Sud 7ème en 1992). Pour la délégation britannique, il s’agit d’une vraie confirmation avec le gain d’une place au classement général et l’obtention du plus deuxième meilleur bilan d’une délégation olympique (après 1908, où les anglo saxons avaient obtenu 146 médailles en concourant face à 22 pays).
Ainsi, le creusement de l’écart entre la France et la Grande-Bretagne peut s’expliquer partiellement par l’organisation de Londres 2012. Toutefois, d’autres éléments structurels et conjoncturels sont à prendre en compte.
DEUX APPROCHES DIVERGENTES DES DISCIPLINES OLYMPIQUES
Preuve de l’appétit insatiable de médailles chez l’ogre britannique, 19 sports sur les 28 représentés à Rio ont récompensé un anglo-saxon! La répartition des forces vives est impressionnante alors que la France ne s’illustre que dans 10 sports.
En intégrant le traitement différencié des disciplines olympiques à sa stratégie (plus d’une dizaine de médailles pour des disciplines comme l’aviron ou l’haltérophilie contre deux pour la plupart des sports collectifs), la Grande Bretagne engage une véritable récolte de médailles : 11 sur les 9 épreuves de cyclisme sur piste, 7 sur les 14 épreuves de gymnastique, 5 médailles sur les 14 podiums en aviron… Ce choix est délibéré puisque la Grande Bretagne ne soutient, dans le cadre des JO, qu’une vingtaine de fédérations et ne présente pas d’équipes dans certains sports collectifs (football, volley, handball, waterpolo et en basket)…Et dire que la lutte (18 podiums mais pas de sélection britannique à Rio) ou le tir (15 podiums) ne sont pas encore tombés dans l’escarcelle britannique.
La France, quant à elle, applique une stratégie tout autre en accompagnant le plus de fédération olympique possible. Exception faîte des résultats de boxe et de judo, la stratégie française a échoué, alors que l’on attendait peut être plus de disciplines « riches » comme l’escrime (3/10) ou la natation (2/36), voire en athlétisme(6/47).
L'OBJECTIF OLYMPIQUE : LE SACRÉ GRAAL
Particularité des fédérations olympiques britanniques; il n’existe qu’un unique objectif sportif: les Jeux.
Au sortir des catastrophiques Jeux d’Atlanta (une seule médaille d’or), le mouvement olympique anglo-saxon a décidé de se reformer. Il a été prévu que la loterie nationale participe au financement du sport de haut niveau. Atteignant désormais 75% du budget global du sport britannique, cette réforme a permis de redonner des moyens aux diverses fédérations (400 millions de livres pour la période 2013-2018). Autre changement dans la logique de subvention, les fédérations reçoivent des aides uniquement en fonction de leurs résultats aux Jeux Olympiques. Cela justifie donc la progression et la main mise sur certaines disciplines comme le cyclisme sur piste ou l’aviron.
Aussi, deux éléments consécutifs à ce financement permettent aux athlètes d’améliorer leurs performances et leurs chances de médailles. Dans un premier temps, d’intenses efforts de recherche et d’innovations sont consacrés aux sportifs afin de faciliter leurs performances (notamment dans le cas du cyclisme). Enfin, le calendrier des athlètes est élaboré uniquement en fonction des Jeux Olympiques : quitte à faire l’impasse sur de nombreuses compétitions (championnats du monde notamment)… ce qui parait totalement logique, étant considéré que la majeure partie des subventions sont liées à leurs performances quadriennales.
LES BRITANNIQUES ET L'IMPORTANCE DU TITRE
Sur les 67 médailles récoltées par les hommes de sa majesté, 27 ont été remises sur la plus haute marche du podium. Parmi les nations ayant remporté plus de 50 médailles, la Grande-Bretagne est la seule à pouvoir se targuer d’avoir plus de 40% de champions olympiques parmi les médailles de la délégation (38% pour les USA, 37% pour la Chine et 33% pour la Russie).
A l’inverse, l’or est le métal le plus rare dans le giron français. Parmi les 42 médailles remportées, 26% ont consacré un champion olympique… La faute à certaines déconvenues (judo, saut à la perche, handball, tennis, natation…) qui contrastent avec l’écrasante domination de certains athlètes britanniques (Jason Kenny avec trois titres, Mo Farah, Max Whitlock et Laura Trott avec deux titres)…
Par ailleurs, la taille de la délégation ne saurait être un argument pour expliquer le succès de nos voisins d’outre-manche. On dénombrait à Rio 396 athlètes français contre 366 britanniques… Mieux encore, la délégation anglo-saxonne bat son propre record de médailles avec près de 200 athlètes de moins que lors de l’édition 2012 !
UN CONTEXTE OLYMPIQUE FAVORABLE
Le bilan britannique, avec cette étonnante seconde place, doit être toutefois nuancé aux regards des relatives contreperformances chinoises et russes.
Chez ses derniers, la contre-performance est notable mais à relativiser. Avec 56 médailles remportées, la délégation russe connaît, et de loin, le pire bilan de son histoire… Toutefois, amputée de près de 100 athlètes dans le scandale de dopage ayant secoué la préparation des Jeux (athlétisme, canoë, haltérophilie…), la Russie n’a pas pu atteindre son plein potentiel lors de ces Olympiades.
Du côté de l’ancien Grand Empire, la déconvenue est encore plus grande. 3ème des Jeux, elle a tout de même perdu 30 médailles par rapport à l’édition pékinoise de 2008 malgré une délégation aux dimensions historiques (416 sportifs). Disgrâce nationale, la gymnastique n’a apporté aucun podium, une première depuis 1984.
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